De l’endroit où je suis, de l’endroit où je vis, je ne peux emprunter que des sentiers. Je ne souhaite emprunter que des sentiers. Dans mon sac, lors de mes musarderies, j’emporte des yeux que je sème un peu partout, espérant qu’ils viennent au jour, un jour. C’est très certainement un chemin sans issue, pourtant jusqu’à aujourd’hui, je ne suis pas encore arrivé au bout de cette sinueuse tortille.
Désormais, on ne peut plus refuser d’emprunter les routes et autoroutes de la pensée cynique. Heureusement, il reste encore un tout petit refuge en soi qui ne peut être scruté et où je me réfugie, où je peux pratiquer une forme d’ironie. Une sorte de cabane isolée au cœur de la taïga. Cela n’est certes utile à personne, cela me permet simplement de respirer, encore… avec quelques proches.
Bientôt, les yeux du ciel viendront aussi éclairer nos nuits. On ne distinguera plus les heures du jour d’avec celles de la nuit. Il n’y aura plus qu’une grande clarté pour le règne de la transparence absolue, absolue et si naïve. Bientôt, on m’obligera d’incorporer une puce dans mon corps pour me géolocaliser et enregistrer mes « mauvaises pensées ou celles trop terre à terre ».
Deux plus deux font déjà cinq. Et si vous n’êtes pas d’accord pour prendre la route principale, un flot d’insultes s’abat sur vous.
Vous n’avez pourtant rien demandé, vous vous êtes simplement tenu à l’écart. Vous n’êtes pas religieux, vous n’aimez pas les groupes, seul le doute vous oriente sans certitudes parmi les mystères et vous oxygène.
Sommes nous entrés dans le règne de la fiction de la transparence où le réel aurait disparu ? Le mot Fiction vient de feindre, de façonner… : la réalité, ici, aujourd’hui, maintenant ? ’’ Est-on jamais assez attentif ? ’’ Est-ce qu’on peut rester humain sans un autre qui ne pense pas comme vous ?
Silence / Fragments d’avant la fin du monde, #31
Flânerie Quotidienne 