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C’est une troisième personne. Une troisième personne comme un assemblage d’âmes. Une juxtaposition voire une fusion qui veut faire sens. C’est moi en prolongé, une extension de tête. Une troisième personne multiple, qui désire s’affranchir du nombre et reste dans le flou de cette multiplicité, dans une quantité indéfinie pour représenter le monde, une société, un groupe, une unité de deux personnes, toi et moi, ou toutes les personnes qui sont dans mon corps.
C’est une troisième personne. Plurielle, à mille visages. Une troisième personne dont on se sert pour pavoiser, pour asséner des vérités empiriques. C’est moi perché qui vous regarde. Elle pose le savoir, elle englobe, elle dit l’ensemble, elle dit comment la personne singulière qui l’emploie – moi, moi, moi – voit le dehors, quel est son regard sur les autres, comment elle toise en ellipse. Le monde et elle. Le monde et moi. Comme si de son indéfini, elle détenait à elle seule la vérité sur la Vie. Elle est omniscience et perversion. Elle est sagesse éprouvée, élévation de l’esprit et manque d’engagement de celui qui la porte. Manque de moi.
C’est une troisième personne. Le Jiminy cricket sur l’épaule qui cause à ma tête. Elle se veut universelle alors qu’elle est impersonnelle. Elle se crie revendicative mais elle reste pleutre et floue. Elle peint des tableaux qui ne sont issus que d’une seule personne. De moi. Celui qui veut l’aimer et en faire loi. Emanation que d’un seul cerveau, que d’une seule réflexion, que d’une seule main qui écrit, elle n’est jamais partagée que par soi-même. Elle se veut voix en hygiaphone, pensée unique hurlante. Elle n’est que chiures de l’esprit d’un seul. Rognure cérébrale de moi.
C’est une troisième personne du pluriel pour conjuguer le sort. Elle est Nous. Nouée à mon cou. Quelques-uns peuvent l’approcher, se la dire unique et la prêcher, la percuter à l’unisson. Mais dans la multiplicité des vues, les Moi, Nous, ne serons jamais sûr de rien. Moi, moi, moi. Ne saurons jamais rien de la véracité du rassemblement qu’elle crie au monde.
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(source : bandeau du site de Patrick Marquès – Artiste peintre)
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Un vase communicant #53 pour recevoir avec joie, pour la seconde fois, Christophe Sanchez, autour du Nous… qui est aussi le titre de mon vase qu’il publie sur son Fut-il.net (qui ne l’est pas). Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, nous avons appris le 3 juin que cet homme (presque) sans visage démarrait un tour de France des visages. Je cite : « du 25 juillet au 8 août, je viendrai donc vous voir. Si vous n’êtes pas là, je glisserai un mot sous la porte comme un like sur Facebook. Si vous êtes là, je vous serrerai la main et vous claquerai une bise – je ne suis pas avare de mon corps. Un petit restaurant et du bon vin, quelques partages de lecture et d’écriture feront le liant. Le reste sera beau ou demeurera littérature. Quelques heures de vous que je rangerai dans mon coffre de voiture et quelques lignes de moi pour vous publiées ici en guise de carnet de route et je vous quitterai à regrets (ou pas) pour continuer mon périple. » Cela tombe bien, son tour passe par Strasbourg. Une future photo pour le blog des vases co est à prévoir…. Bienvenu, Christophe…
Vases communicants ? qui se déroulent tous les premiers vendredis du mois depuis le 3 juillet 2009 à l’initiative de deux auteurs et blogueurs : François Bon et Jérôme Denis. Une page Facebook et un blog associé : le rendez-vous des vases communicants sous la coordination d’Angèle Casanova permettent de créer les liens entre blogueurs (auteurs), de définir éventuellement un thème, d’associer images ou sons avec le texte. Le principe n’a pas évolué depuis la création : chacun écrit sur le blog de l’autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre, telle est la consigne.
Et les lectures de ce mois sont à poursuivre ici sur le nouveau blog animé par Angèle Casanova.
Bonnes lectures
Silence
« Conjugaison » de l’individualité au collectif : je est un nous…
Une question qui n’est pas seulement grammaticale en effet.
Oui… nous sommes doubles et triple et troubles et c’est troublant de lire ce qui nous, me, taraude si souvent … qui mène donc notre vie ? nous ou lui/elle ? ou serions nous la réunion de la façade : tantôt miroir aux alouettes, tantôt la roue du paon pavoisant comme un leurre, et du vide que l’on remplit à mort pour qu’il ne soit pas déroutant ; où cet ascète sous le soleil d’un désert infini expie les fautes qu’il n’a pas commis …. être soi ou être les autres , être celui là mais sans le dire et vouloir que tout le monde le sache pourtant… soutenir la vérité crue sans rougir d’être un simple vermisseau. Comme toujours traversée et atteinte par ces justes mots.