Le train comme fabrique de paysages et de tableaux. Ce train qui passe si vite et ces rails qui ne se rejoignent jamais ou quelques rares fois… Je pourrai faire le tour de la planète. Sans jamais me lasser. De ce mouvement. La vie et rien d’autre. Quelle joie de respirer en temps de paix. Qu’attendons-nous ? Qui attendons-nous ? Again and again. Rengaine… cette énergie dépensée à courir ici, ou là… ou encore, ici. La poète qui vit là-bas m’a conseillée de lire le poète qui dit : « ce qui est venu disparaît pour toujours à chaque fois – What came is gone forever every time. » « Moi le mauvais poète qui ne savait pas aller jusqu’au bout« , j’écoute… me souviens aussi celui qui a écrit cette phrase qui m’a accompagnée jusqu’ici, et maintenant encore. C’est quoi ces cris qu’on entend dans le train ? La vie et rien d’autre… malgré cet air Klezmer, la clarinette de ce fol de Yom qui remplace le doux ronronron des roues. Toutes les photographies que tu prends s’amassent, tu ne sais pas où… tu ne sais pas pourquoi tu les prends… Tu en prends tant… Pour celle qui… Pour lui dire que… Mais chut… Il y a déjà les photographies qui sont vues par tout le monde… On pourrait penser que la mise sur les réseaux nous rends transparents, on pourrait penser que tout le monde sait tout sur nous. Mais de ces infimes traces que nous laissons, un prochain flux identique à une vague les recouvrira aussi vite qu’elles sont apparues… Notre intimité, elle, elle est toujours là… Qui peut se vanter de connaître un seul être : intimement ? Ça pourrait être effrayant. Ça l’est parfois. C’est plutôt rassurant… de ne pas tout savoir… sur les êtres autour de nous… Et ce train qui file sur les deux rails qui jamais ne se rejoignent. Again and again…
Silence
Le titre de ce billet est extrait de Kaddish (1961) d’Allen Ginsberg (Christian Bourgois, 1976) – la seconde citation est extraite de Blaise Cendrars que je n’ai pas pu rencontrer car il est mort l’année où Kaddish a été publié. Je n’étais pas encore né. Ce n’est pas si grave, il m’a tout de même emmené avec lui dans son Transsibérien.
« La poète qui vit là-bas » a écrit une longue lettre à celui qu’elle a eu la chance de rencontrer et nous donne un très beau texte : Avec vous ce jour là (Recours au poème, 2014), sa lettre à Allen Ginsberg. Vous devriez vite la lire, cette lettre. Je vous en reparlerai un autre jour… FQ