Cher Franck,
Comment vas-tu ? Comment s’est passée ta semaine ? Et l’inauguration, dont j’ai eu vent grâce aux réseaux sociaux ? Merci pour ta carte de Strasbourg du premier novembre, une carte de questions automnales, avec ses doutes semés dans le sillage de ton souffle créateur.
J’avais l’intention de te répondre dans les jours qui ont suivi, mais comme tu le sais, ceux-ci n’ont pas été des plus gais, causant la dégringolade de tous les autres, dans un tourbillon étourdissant de tristesse qui a englouti tout novembre. Nous sommes le 13 décembre, l’hiver est là, à Strasbourg comme à Tel Aviv, mais tout va bien à présent, je suis heureuse de t’écrire, heureuse de te dire merci (pour les colibris et le reste).
Novembre m’aura appris à me serrer encore plus fort contre les êtres qui m’aiment réellement, pour ne laisser aucun interstice entre leur amour et moi, failles où pourraient s’immiscer les saboteurs de bonheur. « Le libertaire qui veut la liberté en soi, indépendamment de moyens qui la rendraient possible, est le saboteur de la liberté, comme le vériste qui dit la vérité à tout prix et tout de suite, absolument, purement et simplement, dût le genre humain en crever, est le saboteur de la vérité ! » (Vladimir Jankélévitch, Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 215).
En ce qui concerne ce qui laboure tes propres pensées : ne te tourmente pas, Franck, tu continues à les dérouler et les remplir, les pages de ton livre, même s’il n’existe peut-être pas encore en tant qu’objet. Tu l’écris sans relâche, même quand tu m’écris, et quand tu lis les autres, comme tu sais si bien le faire, cher Franck flâneur qui arpente et récolte pour partager.
Pourquoi vouloir ce livre, te demandes-tu… Pourquoi vouloir notre propre livre, notre petit monde enneigé à nous sous une boule de verre, à l’intérieur du grand monde que nous ne saurons jamais habiter avec autant de grâce et de contentement que les chats ? Ce désir de création s’apparenterait-il à un désir de pater/mater/éternité ? Vastes questions. Je ne puis que te répondre de te concentrer sur ce qui fait actuellement la joie et la fierté de tes jours (ta compagne, tes flâneries, ton travail enthousiasmant qui génère les belles rencontres dont tu m’as parlées). Concentre-toi sur ce que tu as récolté de doux et de lumineux, et que tu mérites. Le reste suivra, se mettra en place, en temps voulu. Les graines sont déjà plantées, Franck, tes mains le savent. Il pleut et la terre irriguée est fertile, l’écriture fluide. Reste confiant.
Je t’embrasse.
P.S. : Ayant beaucoup à te dire aujourd’hui, je t’écris aussitôt une autre carte postale, n’ayant plus de place au dos de celle-ci…
Chouette, c’est Noël avant l’heure, deux cartes postales numériques de suite… Bien à toi Sabine, à ta petite famille et à ton visiteur… Franck